La République des barrières

0

Déjà fragmentée par les crises qui ont jalonné son histoire, Haïti est aujourd’hui un pays où la vie vécue est celle de la misère, du désespoir et d’un combat sans répit contre l’indécence et l’ignominie. En effet, la situation actuelle laisse présager, osons le dire, une triste fin possible pour une civilisation qui a inscrit, avec maestria, son nom dans l’histoire de l’humanité. Plongée dans le chaos, cette terre de liberté est, malheureusement, séparée par des gangs qui y régnent depuis une dizaine d’années.


Après le 12 janvier 2010, donc au lendemain du passage du tremblement de terre meurtrier dans le pays, des Haïtiens avaient tenu, bravo, le discours de la réconciliation et de la refondation du pays. Mais, parfois, le désespoir force à couper. Face à la difficulté ou, mieux, l’incapacité des dirigeants de l’époque, bon nombre de compatriotes ont dû abandonner le pays en quête de meilleures conditions de vie.


Les barrières dressées par les élites haïtiennes leur paraissent infranchissables. L’aide humanitaire pour les victimes du séisme a été détournée à des fins personnelles par des acteurs d’ici et d’ailleurs. Même le fonds pour la reconstruction des infrastructures du pays, soit environ 8 milliards de dollars américains, aurait été dilapidé. Ceux et celles qui géraient cet argent sont bel et bien en liberté sans être dans le collimateur de la justice.


Haïti reste encore à genoux. Par ailleurs, des hauts cadres de l’État ont été indexés dans le gaspillage de 4.8 milliards de dollars, fonds issu du programme Petrocaribe. Cet autre scandale a contribué à tuer l’espoir et à augmenter la fracture sociale. Un véritablement mouvement visant à exiger des comptes aux dilapidateurs de ce fonds a vu le jour. La réitération de ces mouvements de rue a fait peur aux classes politique et économique du pays.


Selon un rapport d’un groupe d’experts des Nations Unies, c’est à la suite de cette question “Où est passé l’argent de Petrocaribe ?” que les groupes armés se sont multipliés en Haïti, plus précisément dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Depuis, Haïti bascule et se perd dans une spirale de violence qui ne dit pas son nom. Selon le professeur Georges Eddy Lucien, cette violence des groupes armés vise à tuer les mouvements des masses populaires.


Si par le passé, les barrières n’étaient pas visibles, aujourd’hui, en revanche, elles se voient comme le nez au milieu de la figure. Des territoires perdus, donc contrôlés par des groupes armés. L’entrée Sud de la capitale haïtienne est un véritable rubicond pour les passagers. Traverser la zone de Canaan constitue un acte héroïque. Les refrains des balles meurtrières ont mis à la porte des centaines de milliers d’habitants dans diverses zones.

Une grosse barrière en fer forgé est placée dans la rue à Delmas 18 dans le but de bloquer le passage des bandits armés


Prises de panique, certaines personnes ont dû volontairement ériger des barrières pour empêcher l’accès aux bandits. À Delmas 18, la frontière n’est pas seulement symbolique, dans un écho au sociologue haïtien Laënnerc Hurbon, mais également physique. C’est le cas également au niveau de Turgeau. Une barrière de fer forgé est placée par les habitants.


Que faire aujourd’hui ? Nos ancêtres avaient tracé le chemin. Nous devons nous unir pour faire face à l’obscurantisme. Aucune société ne peut se projeter sans la solidarité. Vivons libres ou mourir, tel a été l’un des maîtres-mots de ceux et celles qui nous ont légué ce pays. La solution est haïtienne, qu’on se le dise.

Wesker Sylvain
weskersylvain09@gmail.com

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici