La dégradation des conditions de vie dans le pays affecte presque tout le monde, du moins, tous ceux et toutes celles qui chérissent des objectifs, qui se fixent des marches à suivre jusqu’au sommet, entre autres. En dépit de tout, des jeunes se sacrifient en utilisant les faibles moyens à leur disposition pour venir en aide aux autres. La sensibilité suscite en effet la prise de certains engagements. Partons à la découverte de l’activiste Eberline Nicolas.
Un simple regard pouvait tout déduire. Elle sait capter l’attention avec son sourire d’ange. Il est difficile de ne pas contempler ses tresses bien entrelacées, de ne pas fixer ses yeux bien gardés par des lunettes.
Eberline Nicolas, FEMME à la peau d’ébène, a vu le jour le 14 janvier 1994 à Saint-Louis du Nord, département du Nord-ouest du pays. Après ses études classiques, elle s’est orientée vers les sciences de la communication et des relations publiques à l’Université Épiscopale d’Haïti.
Ayant bouclé ses (4) quatre années d’études, la native du Grand Nord exerce, depuis 2017, le métier de journaliste et actuellement elle écrit pour l’agence internationale Agora francophone. Eberline est une femme bosseuse, indépendante et passionnée qui garde des souvenirs à faire méditer depuis son enfance puisqu’elle a dû grandir sans sa mère qui a laissé le pays à la recherche d’un mieux-vivre pour ses 6 enfants. Du coup, elle a été élevée par deux tantes dont l’une, dit elle, « a toujours pris soin d’elle » tandis que l’autre faisait tout le contraire. “ Sans le savoir, c’est elle qui m’a fait le plus grand bien. Elle m’a fait être tenace et persévérante dans mes rêves. Je n’avais pas droit à l’erreur ”, scande celle qui détient une licence en Sciences Humaines : Métiers de l’information et de la presse à l’Université de Lille.
Fondatrice de l’Association Bouquets d’Espoir
La journaliste a fondé le 11 octobre 2019 l’Association Bouquets d’Espoir (ASBES). C’est avec son salaire qu’elle contribue financièrement à la réalisation de quelques projets de ladite association humanitaire qui œuvre pour l’amélioration des conditions de vie des enfants.
“ Comme domaines d’intervention, l’ASBES implique dans l’éducation, la santé, la culture, la nutrition et l’environnement. Nous intervenons auprès des familles, des responsables d’établissements scolaires et des orphelinats dans le but de mieux apporter une réponse aux difficultés auxquelles confrontent les enfants ”, détaille la professionnelle de la communication.
De ses récentes interventions, on peut citer l’aide apportée aux enfants victimes de conflits armés, les cas des enfants de la commune de Cité Soleil qui ont été déplacés dans des établissements à Delmas l’an dernier. Il est à noter que Bouquets d’Espoir était l’une des rares organisations locales à apporter son aide à plus d’une centaine de ces enfants.
L’idée de fonder cette association lui vient des traitements qu’on inflige à certains enfants, par exemple, ceux qui sont en domesticité ou ceux qui sont maltraités dans leur famille et autres, sans oublier l’extrême pauvreté des familles dans lesquelles ils grandissent, qui font que ces derniers ne sont pas scolarisés, ne bénéficient pas de soins de santé lorsqu’ils tombent malade, etc., nous dit celle qui se décrit comme une dure à cuire. “Face à ces problèmes, je voulais créer une structure dont l’objectif est de contribuer à l’amélioration du quotidien de ces enfants grâce à l’éducation et la culture”, avance la récipiendaire du Prix Femme Dofen 2021.
La présidente de Bouquets d’Espoir pense qu’elle est sur de bonnes voies pour atteindre les objectifs fixés avec l’association. “ En trois ans, nous avons multiplié nos projets dans plusieurs communes du pays telles que Delmas, Port-au-Prince et Gros-Morne. Nous avons pu toucher des milliers d’enfants à travers des projets éducatifs, artistiques et de santé, ” a confié celle qui a représenté Haïti au plus grand sommet de jeunes en Espagne, Global Youth Leadership forum, en 2022.
Tout sans subvention des institutions, mais l’humain au cœur
La charité bien ordonnée commence par soi-même, dit le dicton. Madame Nicolas l’applique à fond. Elle est la première à faire sa donation lorsqu’il s’agit de financer un projet. “ Je pense qu’ être une leader, c’est savoir montrer l’exemple. Si j’invite les gens à supporter nos initiatives et que moi, je ne le fais pas, cela voudrait dire que je n’y crois pas. Donc, ça ne marchera pas. Si nous sommes là aujourd’hui, c’est grâce à des centaines de gens, 99 % haïtiens-nes qui contribuent à l’avancement de notre travail. L’humain est donc au cœur de l’ASBES ”, explique-t-elle.
Sa vie est faite de courage et d’amour. En effet, lors de notre riche entretien, elle a soutenu que la vie est parsemée d’inconvénients, mais grâce à des gens philanthropes qui croient en l’engagement de Bouquets d’Espoir pour apporter un soutien essentiel aux enfants les plus démunis d’Haïti, lui et son équipe arrivent à surmonter quelques obstacles qui sont d’ordres financiers pour la plupart.
“ Nous avons beaucoup de peines à trouver de financement pour nos projets. J’espère qu’à l’avenir que nos projets recevront des supports à la fois techniques et financiers “, lâche Eberline, rappelant qu’ASBES a lancé, il y a de cela une semaine, une campagne de collecte de dons afin de répondre aux besoins de l’association qui a tout un staff : Marie Françoise Louis, vice-présidente, Marie Esthere Coquillon, responsable logistique, Kenny Laguerre, responsable des affaires culturelles, entre autres ainsi qu’une dizaine de bénévoles.
Face aux adversités, elle ne compte pas baisser les bras. “ Le travail ne fait que commencer. Il y a tellement de besoins en Haïti. Des enfants meurent de malnutrition, victimes de violence de toute sorte… Croire qu’on a déjà fait assez serait une très grande erreur ”a-t-elle assuré. Peut-on réellement parler de satisfaction? Je pense que ça n’arrivera jamais. Une chose est certaine. Moi et mon équipe ne sommes pas prêtes d’arrêter ”, a renchéri la responsable.
Et, son niveau d’acharnement se résume au fait que militer pour le droit des enfants est une « guerre choisie ». “Je trouve ce combat juste, je demande à ce que chaque enfant puisse grandir en ayant un toit sur leur tête, soit scolarisé dans de bonnes écoles et grandir dans la paix et dans la sécurité “, a-t-elle souligné.
L’ASBES qui apporte son soutien aux différents groupes d’enfants tels que ceux qui sont dans les orphelinats, les centres d’accueil, les quartiers populeux de la capitale, les provinces, et même les enfants dits de familles aisés. Elle déclare qu’elle n’oublie pas les enfants de rues, mais qu’elle réfléchit à un plan à l’avenir pouvant aider à sortir quelques de ces enfants dans la rue.
Pour la célébration de la première décennie de l’association, l’équipe a un très grand rêve. “ Je voudrais assister à l’inauguration de notre premier Centre culturel et d’apprentissage dans la localité de Corail, à Gros-Morne. Le rêve commence déjà à prendre forme dans la mesure où nous avons déjà le terrain et collecté plus de 2000 ouvrages. À part l’aspect financier, l’insécurité est un autre blocage”, dit-elle l’air désabusé.
L’ancienne collaboratrice de LoopHaïti nous a confié que parfois ça arrive que le découragement lui saisisse mais jamais le désespoir, pour elle, il y a toujours une lumière au bout du tunnel. Eberline Nicolas, amicale, n’est pas mariée ni fiancée. Comme loisirs, elle regarde le cinéma, entend de la musique et fait des poteries céramiques.