30 ans de la PNH : le RNDDH passe en revue le fonctionnement et les conditions déplorables des agents

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La Police Nationale d’Haïti (PNH) a célébré, le 12 juin 2025, son 30e anniversaire. À cette occasion, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a publié un rapport dressant un bilan du fonctionnement de l’institution et des conditions dans lesquelles travaillent les agents de l’institution policière.

Dans ce rapport, le RNDDH passe en revue l’impact de la situation sécuritaire, le budget alloué à l’institution pour l’exercice fiscal en cours, les efforts de renforcement de ses capacités et la lutte contre les gangs armés. Ce document de 16 pages revient aussi sur les circonstances dans lesquelles des agents ont été tués entre juin 2024 et juin 2025, avant de formuler des recommandations aux autorités de la transition.

Impact de la situation sécuritaire

Entre 2019 et 2024, l’organisation de défense des droits humains a rapporté que les attaques armées dans des quartiers tels que Carrefour-Feuilles, Delmas et Solino ont fortement affecté les policiers, ces zones étant historiquement habitées par de nombreux agents. Depuis qu’elles sont tombées sous le contrôle des gangs de la coalition Viv Ansanm, plusieurs policiers ont été contraints de quitter leur domicile et vivent aujourd’hui chez des proches ou dans leur lieu d’affectation.

Malgré la gravité de la situation, le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) semble peu préoccupé. Dans plusieurs commissariats et unités spécialisées comme la BIM, les agents vivent dans des conditions précaires, sans infrastructures adéquates, selon le rapport.

Le Budget de Guerre

Le 21 avril 2025, les autorités de la transition ont adopté un budget rectificatif allouant plus de 32,9 milliards de gourdes à la Police nationale, soit un peu plus de 10 % du budget national. Sur ce montant, environ 73 % sont consacrés aux salaires et charges du personnel, tandis que seulement 27 % sont destinés à l’investissement (équipements, infrastructures, etc.), représentant à peine 3 % du budget global. Ce budget, qualifié de “budget de guerre”, met davantage l’accent sur le fonctionnement que sur le renforcement matériel de l’institution.

Salaires, promotions et primes

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a déploré la faiblesse des salaires perçus par les policiers haïtiens, en dépit des risques importants et des horaires contraignants auxquels ils sont soumis. Bien que la Primature ait annoncé, en décembre 2024, le doublement du montant des cartes de débit allouées aux agents, ces dernières continuent d’être alimentées de manière irrégulière.

Par ailleurs, un décret du 1er juillet 2022 prévoit une indemnité spéciale de risque pour les policiers engagés dans des opérations spéciales (anti-émeutes, maintien de l’ordre, interventions à haut risque, etc.). Toutefois, en l’absence d’un mécanisme clair d’accès à ces primes, de nombreux agents ou leurs proches ne reçoivent pas les compensations prévues en cas d’accident ou de décès, selon le RNDDH.

Matériels et équipements pour la PNH

Entre juin 2024 et juin 2025, la PNH a reçu divers équipements (armes, munitions, véhicules blindés, matériels de protection) de partenaires internationaux tels que les États-Unis, la France, le Canada et l’ONUDC, en appui à la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS).

Cependant, certains équipements achetés sous l’administration précédente se sont révélés de mauvaise qualité et inadaptés au combat. Bien que le gouvernement actuel ait annoncé l’acquisition de nouveaux matériels le 29 mars 2025, ceux-ci n’ont pas encore été distribués aux forces de l’ordre.

Lutte contre les gangs armés

Depuis plusieurs mois, des efforts sont déployés pour freiner l’expansion des gangs armés et reprendre le contrôle des zones sous leur emprise, notamment à Tabarre, Arcahaie, Léogâne, Petite Rivière de l’Artibonite et dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince.

Le 1er mars 2025, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a annoncé sur la plateforme X la création d’une Task Force conjointe avec le Conseil Présidentiel de Transition, visant à intensifier les opérations contre les gangs. C’est dans ce cadre que l’usage de drones kamikazes a été lancé, marquant le début d’une série d’interventions armées d’envergure, écrit le RNDDH.

Depuis leur déploiement, environ 300 bandits armés ont été tués et plus de 400 blessés, selon le RNDDH dans son rapport publié à l’occasion du 30e anniversaire de la PNH. Toutefois, le RNDDH souligne que l’absence de présence policière permanente après les interventions permet aux gangs de reprendre rapidement le contrôle des zones libérées. Des quartiers comme Solino, Delmas 30 et Nazon en sont des exemples concrets, où les victoires temporaires de la PNH ne sont pas consolidées.

Enfin, ce 30e anniversaire de la PNH est célébré dans un climat de violence extrême, d’instabilité et de désespoir. De nombreux policiers ont été contraints de fuir leurs domiciles tombés aux mains des gangs, sans soutien réel du CSPN. Quant au budget rectificatif adopté, bien que qualifié de “budget de guerre”, il ne consacre que 10 % à la PNH, ce que le RNDDH considère comme largement insuffisant.

Face à ces constats, le RNDDH appelle à une distribution équitable, rapide et transparente des primes de risque et des récompenses. Il plaide également pour un meilleur accompagnement des policiers blessés, ainsi qu’un soutien digne aux familles des agents tués. L’organisation dénonce la stagnation professionnelle, le manque de reconnaissance et les inégalités au sein de la PNH, facteurs majeurs de démotivation.

Concernant les opérations menées avec des drones kamikazes, bien qu’elles aient été saluées par la population, le RNDDH les juge inefficaces à ce jour, car aucune zone n’a été durablement sécurisée et aucun chef de gang majeur arrêté. Il critique aussi le pilotage politique de ces opérations, rappelant que les gangs ont longtemps été instrumentalisés par les mêmes autorités. Selon le RNDDH, de meilleurs résultats auraient été obtenus si ces actions avaient été coordonnées par une équipe intégrant la PNH, les FAD’H et la MMAS.

Le RNDDH rappelle que l’Inspection Générale de la PNH (IGPNH) doit non seulement surveiller les agents, mais aussi évaluer les conditions générales de l’institution et en faire rapport aux autorités compétentes. Il souligne plusieurs problèmes persistants : conditions précaires des policiers, manque de matériel adapté, accès difficile aux soins de santé, promotions opaques, salaires insuffisants et primes versées de façon irrégulière.

En conclusion, le RNDDH recommande : un renforcement des équipements adaptés, un meilleur encadrement du personnel, un salaire décent, la pleine application des décrets sur les primes de risque, la réaffectation des fonds de l’intelligence au renseignement policier, ainsi que l’implication effective des forces de l’ordre dans la coordination des opérations utilisant les drones kamikazes.