Dans une correspondance adressée au secrétaire d’État américain Marco Rubio et à la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, plusieurs sénateurs expriment de vives inquiétudes concernant la présence d’une entreprise militaire privée (EMP) américaine opérant en Haïti dans le cadre d’un contrat avec le gouvernement de transition. Cette situation soulève de sérieuses questions sur la légalité des opérations, les risques de violations des droits humains, et les incohérences de la politique américaine envers Haïti, notamment après la fin du Statut de protection temporaire (TPS) et l’interdiction de voyager imposée par l’administration Trump.
Selon le New York Times, cité par les sénateurs, le gouvernement de transition haïtien aurait signé un contrat avec une EMP dirigée par Erik Prince — fondateur de la controversée société Blackwater — pour fournir des drones armés, des armes, et environ 150 mercenaires destinés à combattre les gangs à Port-au-Prince. Des livraisons d’armes auraient déjà eu lieu, et des déploiements sont attendus cet été. Les sénateurs avertissent que cette initiative pourrait compromettre la légitimité et l’efficacité de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS), soutenue par l’ONU et les États-Unis.
La lettre souligne les problèmes de transparence et de légalité concernant les exportations d’armes américaines. Les opérations en question nécessitent des licences d’exportation, et leur octroi — ou leur absence — soulèverait de graves préoccupations juridiques. Si accordées, ces licences pourraient entrer en contradiction avec les critères de droits humains de la directive NSPM-10, affirment les sénateurs.
Ils rappellent également que la loi Leahy interdit tout soutien américain à des unités étrangères impliquées de manière crédible dans des violations graves des droits humains. Cela remet en cause l’assistance apportée à la Police nationale d’Haïti (PNH), déjà accusée d’exécutions extrajudiciaires.
« Si des unités de la PNH opèrent en coordination avec une société militaire privée américaine, cela pourrait exposer l’assistance américaine à des violations indirectes de la loi Leahy », avertissent les autorités.
Cette mise en garde intervient dans un contexte de crise croissante en Haïti. L’ONU a récemment alerté sur le risque que Port-au-Prince tombe entièrement aux mains des gangs si aucune intervention urgente n’est menée. Pourtant, en février 2025, les États-Unis ont annoncé la fin du statut de protection temporaire (TPS) pour les ressortissants haïtiens à partir d’août, tout en incluant Haïti dans une nouvelle interdiction de voyager. Ces décisions apparaissent contradictoires : elles suggèrent qu’Haïti est à la fois trop dangereux pour accueillir des visiteurs et assez sûr pour y renvoyer des migrants.
Les sénateurs demandent des réponses urgentes aux secrétaires Marco Rubio et Kristi Noem avant le 15 août 2025 sur la politique américaine à l’égard d’Haïti, notamment :
- L’existence de licences d’exportation accordées à des entreprises militaires privées (EMP) ;
- Leur conformité avec la directive NSPM-10 sur les droits humains et la paix ;
- Les risques que ces activités privées fassent peser sur la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) de l’ONU ;
- Le contrôle des unités de la PNH selon la loi Leahy ;
- La contradiction entre l’appui militaire en Haïti et la suppression du TPS ;
- L’incohérence entre l’expulsion de migrants haïtiens et l’interdiction de leur entrée pour des raisons de sécurité.
Crédit photo : AFP